L’UNESCO plaide pour un soutien mondial au journalisme indépendant dans un contexte de crise de financement des médias

nov 18, 2021

Le rapport à paraître « Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias » révèle que la pandémie de COVID-19 a porté un coup dur aux fondations économiques déjà fragiles de l’industrie des médias d’information. La sonnette d’alarme a été tirée lors d’un événement diffusé en direct depuis le siège de l’UNESCO à Paris, au cours duquel Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO et Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel et économiste de renom, ont pris la parole.

La crise existentielle de financement à laquelle est confronté le journalisme libre et indépendant était le thème central de "Le journalisme est un bien public", un événement organisé lors de la 41e session de la Conférence générale des 193 États membres de l'UNESCO.

D'éminents experts du développement des médias et de la liberté de la presse ont averti que, sans intervention majeure, nos sociétés seront confrontées à un déclin massif de l'offre d'informations, un service pourtant essentiel pour prendre des décisions éclairées et demander des comptes aux détenteurs du pouvoir.

Ils ont mis en lumière ce scénario en présentant un aperçu des conclusions du rapport mondial 2021/2022 : « Tendances mondiales en matière de liberté d'expression et de développement des médias ». Ce rapport recense des données sur l'état de la liberté, du pluralisme, et de l'indépendance des médias, ainsi que sur la sécurité des journalistes dans le monde.

Ses conclusions illustrent comment la pandémie de COVID-19 a exacerbé les menaces déjà existantes auxquelles sont confrontés les journalistes et les médias, créant dans certains cas un "phénomène d'extinction".

 

« La pandémie nous a fait prendre encore plus conscience de la valeur du travail des journalistes, et des périls qu'ils affrontent chaque jour pour nous apporter des informations fiables face à des situations très difficiles » a déclaré Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, lors des discussions.

« Au moment même où nous avons besoin d'un journalisme indépendant et crédible - d'une presse libre - le modèle économique est mis à mal », a affirmé Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel, économiste et professeur à l’Université de Columbia.

 

Au cours des cinq dernières années, les revenus publicitaires des journaux ont été réduits de moitié au niveau mondial selon le rapport de l'UNESCO. Facebook (récemment rebaptisé groupe Meta) et Google reçoivent désormais plus de 50 % de l'ensemble des recettes publicitaires numériques mondiales.

Cette réorientation des revenus publicitaires a contraint de nombreuses rédactions à réduire leur personnel et, dans certains cas, à fermer leurs portes. Dans le même temps, le nombre d'utilisateurs de réseaux sociaux a presque doublé entre 2016 et 2021, permettant ainsi une plus grande diversité de discours et un meilleur accès à des contenus, mais conduisant également à ce que le contenu journalistique et factuel de qualité soit minimisé par les algorithmes.

L'impact économique de la pandémie de COVID-19 a fait chuter la circulation des journaux papier de 13% entre 2019 et 2020, contre une baisse de 3% l'année précédente. Dans une récente enquête mondiale menée auprès de journalistes par le Centre international des journalistes (International Center for Journalists) et citée dans le rapport de l'UNESCO, deux tiers d’entre eux ressentaient une dégradation de leur sécurité de l’emploi, et plus d'un cinquième ont subi une baisse de salaire.

La viabilité des médias indépendants est également menacée par des mesures de répression de la liberté de la presse. En pleine crise économique des médias, des mesures liées à la pandémie de COVID-19 ont été utilisées dans 96 des 144 pays analysés pour justifier d'importantes violations de la liberté de la presse dans toutes les régions du monde. L’aperçu des conclusions du rapport de l’UNESCO dénombre au moins 57 changements de lois dans 44 pays menaçant la liberté d’expression en ligne et la liberté de la presse depuis 2016.

Les conclusions du rapport révèlent également une impunité persistante pour les assassinats de journalistes au cours des cinq dernières années, avec seulement neuf cas sur dix résolus. Elles signalent en outre une épidémie de violence en ligne à l'encontre des femmes journalistes, et montrent que les plateformes Internet ne prennent guère de mesures contre les auteurs de ces actes.

Face à ces défis, les principes de soutien à des médias libres, pluralistes et indépendants ont par ailleurs été récemment renforcés dans la déclaration Windhoek+30 adoptée en 2021 sur le thème de l'information comme bien public, et qui souligne la nécessité de lutter contre la crise de viabilité des médias.

En soulevant cette question à l'UNESCO, la rencontre du 17 novembre a servi de forum pour les États membres de l’Organisation et pour les voix du monde universitaire, de la société civile et des médias afin d’attirer l'attention sur la nécessité d'agir contre les menaces urgentes qui pèsent sur l'avenir du journalisme indépendant.

Parmi les intervenants figuraient Amanda Lind, Ministre suédoise de la Culture et de la Démocratie ; Catalina Botero, ancienne Rapporteuse spéciale sur la liberté d'expression de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et actuelle coprésidente du Conseil de surveillance de Facebook ; Antonia Kerle, Responsable de la politique et des perspectives chez Economist Impact ; et Shahir Zahine, fondateur et Directeur du groupe médiatique afghan à but non lucratif Killid.

UNESCO